Et son ombre recueille une sélection de textes sur les sœurs Brontë ainsi que sur quelques autres auteurs britanniques. Pratiquement tous proviennent du forum The Inn at Lambton. On peut considérer Et son ombre comme complémentaire au Wanderer of the Moors (site dédié entièrement aux sœurs Brontë) et à Passerelle (sur la littérature britannique en général). Par ailleurs, je tiens à m'excuser de la qualité pas toujours bonne des photographies que je propose de mes voyages en Angleterre, notamment dans le Yorkshire d’où étaient originaires les sœurs Brontë.

Caroline, Caroline...

Mon battage autour de Shirley au sein de The Inn at Lambton incita à sa lecture certaines de ses pensionnaires, parmi lesquelles H...J... qui l'apprécia beaucoup. Voici mes réponses issues de notre échange. 

Le 17 juin 2014 

Je suis content que Shirley compte une nouvelle admiratrice et que tu aies été comme moi sensible au personnage de Caroline. Selon moi, si Charlotte Brontë en a fait un personnage aussi émouvant, c'est parce qu'elle y a projeté sa propre détresse de « jeune captive » (titre d'un poème d’André Chénier cité dans le roman). N'est-ce pas, Caroline est le diminutif de Charlotte. 

Comme toi, j’ai eu envie parfois de secouer les épaules de Robert Moore tant il peut être aveugle et nier ses propres sentiments vis-à-vis de cette jeune fille qui seule le comprend et l'aime. 

Tu écris que Shirley offre une vision différente de l’industrie que Nord & Sud. Ne connaissant pas ce roman d’Elizabeth Gaskell, je me demande en quoi. 

Le 18 juin 2014 

Charlotte Brontë était certes une personne pessimiste, voire « cathostrophique » pour plaisanter sur l'anti-catholicisme et le conservatisme anxieux à l'égard des bouleversements qu'exprimait le journal favori de sa jeunesse, le Blackwood's Magazine (cf. The Wanderer of the Moors.  

Plaisanterie à part, Charlotte Brontë ne croyait pas qu'un bonheur durable pût être atteint en ce bas-monde, et en considérant les drames de sa propre vie, encore moins pour elle que pour les autres. 

Ainsi dans Shirley, il saute aux yeux que Robert et Caroline sont faits l'un pour l'autre, mais le premier se laisse tant obséder par le sauvetage à tout prix de son entreprise, qu'il faut, comme une intervention de la providence divine, un coup de fusil tiré sur lui pour qu'il s'ouvre enfin à l'amour de la seconde. 

Peut-être à la différence d'Elizabeth Gaskell, si je comprends ce que tu dis, Charlotte Brontë manque d'authenticité à l'égard des ouvriers. Certes, elle veut faire entendre leur souffrance et l'injustice qu'ils subissent, mais de manière paternaliste et sans parvenir à faire vivre un personnage fort autre qu'un type idéal trop commode de bonne volonté et de modestie.  

Je comprends tout à fait, parce que je le partage, l'agacement qu'on peut ressentir devant ce genre de discours empreint de féodalisme.  

Il est bien regrettable que Charlotte Brontë ait raté sa peinture du milieu ouvrier, d'autant plus qu'elle a réussi celle des puissants et des femmes, pour ces dernières, dans toute leur variété d'attitudes à l'égard de leur assujettissement, de son intériorisation à la révolte en passant par l'indocilité timide que Caroline témoigne.

À mon humble avis, Charlotte Brontë a eu le désir de faire de celle-ci une figure emblématique de la souffrance féminine en soulignant de façon aussi tendre que désespérée la pauvreté et la dépendance à laquelle la plupart des femmes de son époque étaient confrontées comme bien d'autres aujourd'hui encore, à l'étranger et dans nos propres banlieues.

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