Et son ombre recueille une sélection de textes sur les sœurs Brontë ainsi que sur quelques autres auteurs britanniques. Pratiquement tous proviennent du forum The Inn at Lambton. On peut considérer Et son ombre comme complémentaire au Wanderer of the Moors (site dédié entièrement aux sœurs Brontë) et à Passerelle (sur la littérature britannique en général). Par ailleurs, je tiens à m'excuser de la qualité pas toujours bonne des photographies que je propose de mes voyages en Angleterre, notamment dans le Yorkshire d’où étaient originaires les sœurs Brontë.

In tivù

The Inn at Lambton, 10 novembre 2013 

Poursuite et fin des aventures méconnues d’Emily Brontë en Italie, cette fois pour évoquer l'adaptation de son roman en 2004 par la RAI (organisme public qui regroupe plusieurs chaînes de télévision). « Liberamente tratto » (librement inspirée) des Hauts de Hurlevent, cette production transforme certes l'œuvre sombre et complexe d'Emily Brontë en une pure romance à costumes et rubans. Toutefois, je l'avoue, dans son genre, je l'ai apprécié.

Le parti pris adopté est sensible dès les premières images qui font découvrir une étrange « brughiera » (lande) anglaise puisqu'on l'imaginerait plutôt située au Canada avec ses hauts sapins sous la neige et ses « crags » (groupe de rochers) somptueux dont Heathcliff et Catherine enfants font des châteaux féeriques.

Enfin, Heathcliff et Catherine tels que ces enfants sont appelés dans ce téléfilm, car ils ne ressemblent guère non plus à leur homonyme littéraire. Le premier en particulier, orphelin recueilli par le père de Catherine, se révèle un véritable petit ange alors que le personnage original témoigne dès ses premières années de certains travers.

De la sorte, c'est pleine d'une compassion larmoyante que la servante Nelly, enfin, Helen, se met à relater les malheurs que connaîtront les deux jeunes camarades à cause de Hindley, enfin, Ivory, le frère de Catherine, jaloux de l'affection éprouvée pour Heathcliff par leur père. 

En attendant toutefois, tant que la férule paternelle peut s'exercer, Ivory n'ose guère laisser libre-cours à ses mauvais sentiments, ce qui permet à la tendresse enfantine entre Heathcliff et Catherine de se muer à l'adolescence en amour et en projet de mariage.

Certes, dans le roman, seul Heathcliff nourrit ce rêve que Catherine déçoit en préférant s'unir à leur riche et séduisant voisin, Linton. Toutefois, le vent souffle aussi sur la brughiera et parfois si fort que, comme dans les moors, il en vient aussi à emporter hors de ce monde le père de Catherine avant la célébration des noces prévus par les scénaristes de l'adaptation.

Retrouvant le fil du roman, celle-ci voit ainsi Ivory, qui hérite de Cime Tempestose comme Hindley de Wuthering Heights, obtenir enfin l'occasion de tenir à sa merci le pauvre Heathcliff auquel il ne laisse d'autre alternative ou de quitter le domaine ou bien de devenir son serviteur. 

À l'image du Heathcliff des moors, quoique plus courageusement, le Heathcliff de la brughiera se résigne au second sort et aux humiliations qu'il lui promet – la plus terrible pour lui étant de devoir couper du bois sous la neige et les yeux de sa belle se tenant bien au chaud derrière la fenêtre sans venir accomplir sa part de la corvée au titre de « l'âme unique » qu'ils sont censés partager.

Pire, pendant qu'il témoigne de son côté d'un sens du sacrifice digne d'un saint (il en a des auréoles sous ses bras de chemise), le Heathcliff de la brughiera va voir, comme le Heathcliff des moors, sa Catherine se laisser peu à peu charmer par le beau parti que constitue non loin Linton. 

Mais si dans l'une et l'autre œuvre cette situation décide Heathcliff à fuir loin de la lande, l'adaptation va s'écarter quelque peu à nouveau du roman comme le machiavélique Hivorey, enfin, Ivory, profite de ce coup de théâtre pour faire passer Heathcliff pour mort, mensonge cruel qui précipite la décision de Catherine d'épouser Linton – alors que dans le roman c'est de son propre chef qu'elle accepte la main de ce dernier. 

Enfin passons, comme sur le fait de voir Heathcliff, bel et bien vivant, s'apprêter en attendant à quitter l'Alaska, enfin, l'Angleterre, sur un navire où il s'est fait engager comme marin alors que le roman ne révèle rien de ses tribulations après sa fuite de Wuthering Heights. Ce qui compte, c'est qu'il fasse son retour en Norvège quelques années plus tard fortune faite– de façon mystérieuse comme dans le roman, ouf.

Fortune faite et changé, car Heathcliff revient à Wuthering Heights comme à Cime Tempestose décidé à se venger ! Toutefois, contrairement au Heathcliff des moors, on ne fait pas facilement d’un être aussi bon que le Heathcliff de la brughiera un méchant bien terrible. Il n’y aura guère que ceux qui l’entourent dans l’adaptation pour s’effrayer devant sa façon de couper du bois, non cette fois pour chauffer les pieds d'Ivory, mais passer ses nerfs – et encore pas tout le monde : Nelly, enfin, Helen ne cessera de raconter la suite des événements comme une longue plainte sur le destin... 

Voici le résumé partiel d'une adaptation qui aurait de quoi faire faire la moue aux admirateurs de Jane Eyre, enfin, des Hauts de Hurlevent. Pour ma part, je l'ai déjà mentionné, je l'ai suivie sans déplaisir, au contraire même, en raison de son soin et de son intensité.

Il n'en reste pas moins que l'on peut s'interroger sur l’intérêt de telles productions. La RAI a manifestement voulu s'assurer le succès auprès des amatrices de romance transalpines au détriment de l'esprit profond et perturbant des Hauts de Hurlevent, dépensant des millions pour une œuvre non de prestige mais de gala, à l'image, hélas, de la BBC depuis plusieurs années...

Fabrizio Costa : Cime Tempestose, RAI, 2004.

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