Je voudrais toucher deux mots de l'adaptation, proposée par la BBC en 1996, de La Locataire de Wildfell Hall que j’ai regardé la semaine dernière. Au vrai, je n’en attendais pas grand-chose : je n’ai pas été déçu.
En effet, du roman riche et puissant d'Anne Brontë sur l'alcoolisme et la maltraitance des femmes qui causa un certain scandale à l'époque victorienne, la BBC a fait une romance singulière à la fois sirupeuse et ultra-violente.
La Helen Huntington s'agitant à l'écran ne s'offre qu'en pale reflet de l'héroïne à la fois douce et forte, bruissante d'émotivité, d'Anne Brontë. Peut-être ne peut-on blâmer outre-mesure l'actrice de ses mimiques de téléfilms américains faute d'avoir été des intentions des adaptateurs de mettre en relief, sinon en affichant ici et là des crucifix, la moralité et la piété profondes que son personnage recèle originellement.
De même, pour ne pas décevoir les admiratrices d'aimables gentlemen aussi à l'aise dans les salles de bals que sur les terrains de cricket, la maladresse et la brutalité de Gilbert Markham ont-elles été atténuées, si bien qu'Helen Huntington ne peut se retenir d'échanger un baiser passionné avec lui dès le premier épisode de la série alors qu'ils ne le font jamais dans le roman.
Arthur Huntington lui-même est représenté de façon quelque peu charmante, du moins au début de sa relation avec Helen (dans le roman, il y révèle déjà des côtés inquiétants), car ensuite on le verra se déchaîner dans des scènes outrancières, pour ne pas dire grotesques, une nouvelle fois inventées de toutes pièces comme celle où, au cours d'une partie de chasse, il peinturlure le visage de son fils avec du sang d'animaux abattus.
Toutefois, les auteurs de l'adaptation lui offriront, avant son dernier souffle, un ultime sursaut de conscience qu'il ne témoigne pas chez Anne Brontë qui le laisse ainsi faire face au seul jugement de Dieu de façon dramatique – trop faut-il croire pour les premiers.
Je passerai sur le cas des personnages secondaires du roman puisqu'ils n'apparaissent à l'écran qu'à titre de figurants dans une production qui somme toute ne fait pas du neuf avec du vieux, mais s'offre en traditionnelle fusée à trois étages des succès assurés : premier étage, présenter le réel sans fard ; second étage, le rendre un peu moins dur ; troisième étage, s'en détacher complètement pour atteindre le ciel des happy-ends fumeux.
Si, en en rajoutant dans une violence qu'on lui avait reproché à son époque, les adaptateurs ont cru rendre hommage à Anne Brontë, en négligeant son propos religieux pour ne pas ennuyer les spectateurs de la nôtre, ils n'ont pas pris garde qu'ils risquaient en définitive d'endosser le même costume que ses premiers censeurs.
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