À la suite d’intéressantes réponses à ma présentation du Brontë Myth de Lucasta Miller.
The Inn at Lambton, 12 septembre 2013
Je suis réjoui de constater que d’autres personnes partagent mes sentiments de répugnance vis-à-vis de toutes les légendes qui se sont tissées autour des sœurs Brontë.
En qui concerne les adaptations de façon générale, j'en ai vu peu qui soient réussies même si je veux bien croire avec P… qu'elles incitent à la lecture des œuvres originales. Qui sait combien de nouveaux lecteurs a trouvé le Michael Kohlhaas de Kleist pour prendre un exemple récent ?
À propos, l'amateur des Hauts de Hurlevent pourrait être troublé devant la figure de ce marchand de chevaux qui, à la suite de la confiscation de ces bêtes à un poste d'octroi, entre dans une furie implacable contre les autorités. Pour ma part, il m'a davantage effrayé que Heathcliff, c'est dire !
Mais aujourd'hui j'entendais évoquer une production épouvantable dans un autre genre : La Vie passionnée des sœurs Brontë (Devotion en anglais).
Dans la ligne des adaptations des Hauts de Hurlevent en 1939, au succès phénoménal (220 millions de spectateurs) et de Jane Eyre en 1942, Devotion offrit en 1946 une représentation toute hollywoodienne des sœurs Brontë.
Autrement dit, sous l'effet dira-t-on de la tornade du Magicien d'Oz, on les retrouve projeter dans un univers rappelant moins l'Angleterre crasseuse de la révolution industrielle que l'Amérique ensoleillé des westerns, de leurs robes sorties de l’armoire de Scarlett O'Hara à leur lande californienne de carton-pâte où ne manquent, en guise d'Indiens autochtones, que des Écossais résidant dans des tipis à motifs de tartan.
Dans un tel cadre, on ne s'étonnera pas alors de la fantaisie avec laquelle la vie des sœurs Brontë est retracée autour d'une intrigue sentimentale voyant Charlotte et Emily se disputer le cœur d'Arthur Bell Nicholls, vicaire de leur père pasteur. Figuré comme un cow-boy galant, Arthur finira bien à l’écran par épouser Charlotte conformément à la réalité, mais après avoir fait beaucoup de mal imaginaire à Emily !
Une autre scène dans le genre qui m'a fait particulièrement rire prend place lors du séjour en pension des deux sœurs à Ottawa, enfin, à Bruxelles. Si, dans les faits, Charlotte développa un amour sans retour pour son professeur, Constantin Heger, dans le film, celui-ci, représenté comme une caricature de séducteur gominé français, se révèle moins indifférent à elle. Ainsi profitera-t-il d'un tour à la fête foraine pour entraîner Charlotte vers une attraction au nom suggestif, le « Tunnel des Mystères », où, par surprise, il l'embrassera goulûment pour s’en lisser ensuite la moustache avec un sourire égrillard...
Au vrai, j'ai ri autant que j'ai été consterné devant cette scène insultant la mémoire de Charlotte Brontë et de Constantin Heger.
Mais suffit, voici la bande-annonce éloquente de cette biographie saugrenue :
Curtis Bernhardt : La Vie passionnée des sœurs Brontë
(Devotion), Warner Bros, 1946.
(Devotion), Warner Bros, 1946.
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