Et son ombre recueille une sélection de textes sur les sœurs Brontë ainsi que sur quelques autres auteurs britanniques. Pratiquement tous proviennent du forum The Inn at Lambton. On peut considérer Et son ombre comme complémentaire au Wanderer of the Moors (site dédié entièrement aux sœurs Brontë) et à Passerelle (sur la littérature britannique en général). Par ailleurs, je tiens à m'excuser de la qualité pas toujours bonne des photographies que je propose de mes voyages en Angleterre, notamment dans le Yorkshire d’où étaient originaires les sœurs Brontë.

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The Brontë Myth

Whoopsy-Daisy, 12 juin 2013
 
Comme en témoigne hélas ce fil lui-même [Wuthering Heights], je voudrais intervenir sur l’image douteuse que beaucoup se sont formés d’Emily Brontë depuis sa disparition. Déjà en 1904, un auteur aussi réputé qu'Henry James déplorait la « confusion » (« muddle ») entourant les sœurs Brontë de façon générale. En 2000, Lucasta Miller a consacré toute une étude, où Henry James est cité, sur le phénomène sous un titre sans ambiguïté : The Brontë Myth

Il serait fastidieux de présenter cet ouvrage des plus éclairants qu'il reste à traduire dans notre langue, mais je voudrais du moins souligner le fait que, en Angleterre comme du reste en France, les sœurs Brontë ont été souvent victimes : 

1) d’erreurs biographiques tel le fait de prétendre que le père des sœurs Brontë les privait de viande dans leur enfance.  

2) d’approches limitées de leurs œuvres en les considérant comme des autobiographies plus ou moins arrangées. 

3) de préjugés tenaces tels ceux attachés à Anne Brontë non sans lui témoigner parfois un véritable mépris : « insipide », « endormie », « animal de compagnie », « pipeau », etc. 

4) de théories plus ou moins fumeuses telle celle attribuant Les Hauts de Hurlevent à Branwell Brontë, le frère des sœurs Brontë. 

5) d'élucubrations fantasmatiques sur les désirs incestueux nourris au sein de la fratrie ou sur les penchants saphiques d'Emily, etc. 

Morte à 30 ans vierge et sans avoir guère mis les pieds hors de son village perdu dans la lande désolée, mais auteur d'un chef d’œuvre sur les passions les plus sombres du cœur humain : combien ne se sont pas plu, en particulier en France, à rêvasser au sujet d'Emily Brontë comme d'une farouche Manon des bruyères, une fascinante Antinéa des brumes du Nord, ou une impérieuse vestale du Temple du Mal (littéraire) ?

Or, je crains que, si certains eussent entrepris le périple pour Haworth du vivant d'Emily Brontë, leurs fantasmes se seraient effilochés les uns après les autres un peu comme le bucolisme de Lockwood dans Les Hauts de Hurlevent :  

— Quel voyage en train ! Quel défilé sinistre de briques noircies... Quoi ! Des usines au pied même du village ! Qu'est-ce que cela veut dire, je croyais qu'Emily Brontë vivait dans une région arriérée et sauvage ? Demandons à cette matronne locale : « Excuse me, can you have the amability to tell me where lies the parsonage of the Brontë sisters ? Can you repeat ? En haut de la rue, c'est ça ? Yes, yes, up, up the street ! I have understood ! Thank you ! » Ah ! La pente est raide... Enfin, nous y sommes. Voici une jeune femme en robe à petites fleurs qui s'adonne paisiblement au jardinage à l'extérieur d'une bâtisse cossue. Hum... Le gros chien couché près d'elle m'inspire quelque crainte. Courage ! « Good morning mademoiselle, can you have the ama... Mais ! Ne fuyez pas à toutes jambes ! Don't... C'est quoi déjà ? Bah ! », etc. Etc. 

Que l'on me pardonne de plaisanter ainsi de toutes les fariboles qui ont eu cours sur les sœurs Brontë depuis cent-cinquante ans et qui ont appauvri la portée de leur œuvre en réduisant Charlotte à une pourvoyeuse de romans à l'eau de rose, Emily à un génie sauvage dénué de culture et de réflexivité, et Anne à une prêcheuse bornée.  

Certes, le sérieux n'a (presque) jamais manqué, mais qui s'intéresse aux sœurs Brontë peut aisément tomber sur des productions trompeuses, il faut faire attention...

The Brontës of Haworth

The Inn at Lambton, 25 juillet 2013

The Brontës of Haworth est un feuilleton en cinq volets diffusé pour la première fois à la télévision britannique en 1973. S'il faut croire le Keighley News [I] à l'occasion de sa sortie récente en DVD, il offre pas moins, pour nombre d'admirateurs des sœurs Brontë, que leur « portrait définitif ».


Assurément, cette œuvre se caractérise par le dépouillement et le désir d'authenticité. Elle porte à cet égard la marque de la remise en cause, telle qu'elle était opérée depuis les années 50, de l'imagerie plus ou moins romantique qui était attachée aux sœurs Brontë.

Pour ma part toutefois, j'ai été loin d'être satisfait du résultat à divers titres, à commencer psychologiquement.

Si au sein de sa fratrie, Emily est celle sur qui les documents manquent le plus, c'est sa représentation que j'ai trouvé la plus sensible. Sa composition par Rosemary McHale comme une personne renfrognée, nerveuse et un peu étrange m'a troublé singulièrement si bien que, à la vue des scènes pénibles figurant sa maladie et sa mort, j'avoue avoir réagi avec la plus grande émotion.

De même quant à Branwell, j'ai apprécié le fait qu'on se soit attaqué, en s'inspirant peut-être du Monde infernal de Branwell Brontë de Daphné du Maurier, paru en 1960, à la caricature de raté alcoolique et drogué qui était collé à sa peau. Avec indubitablement plus de justesse, le feuilleton s'applique à montrer un jeune homme bon, joyeux et ne manquant pas de dons, mais qui certes, peut-être pour avoir été trop choyé depuis l'enfance, ne sut pas faire face aux difficultés de la vie.

Par contre, si Charlotte est dépeinte comme une femme émotive et tourmentée par les frustrations de façon fort justifiée, les dehors graves, voire revêches, qu'on lui a prêté m'ont paru plus contestables quand on considère les témoignages au sujet de sa gentillesse profonde et de son affabilité, du moins dans le cercle domestique.
  
Quant à Anne enfin, on peut déplorer malheureusement comment on s'en est tenu somme toute aux clichés d'une jeune femme anodine alors que, comme sa vie et son œuvre en témoignent de manière évidente, elle recelait un caractère nerveux et volontaire. Sans doute son talent fut-il moins précoce que celui de ses sœurs et son frère, il n'en reste pas moins qu'il trouva à se développer, un peu à la façon d'une fleur poussant sa tige avec obstination dans le secret du sol...

À plus ou moins grand titre douteux quant aux personnalités prêtées à ses protagonistes, The Brontës of Haworth se révèle aussi parfois trop elliptique ou lacunaire quant à leur existence. Par exemple, comment ne pas trouver des plus regrettable qu'Ellen Nussey, une des plus grandes amies de Charlotte Brontë depuis l'adolescence, n’apparaisse dans le feuilleton que de façon tardive – au moment de la mort d'Anne ? Ou bien comment ne pas être tout à fait déconcerté devant la manière dont la carrière d'Anne comme gouvernante est relatée ? On ne reprochera pas aux auteurs de s'être fondé sur Agnès Grey puisque ce roman est largement autobiographique. Par contre, il y a lieu de juger fictionnel le fait de ne pas évoquer d'abord le premier emploi d'Anne chez les Ingham pour après la faire être accueillie chez les Robinson par une adolescente acariâtre chez qui on a voulu manifestement hybrider les traits de Tom Bloomfield et de Rosalie Murray. On peut comprendre certes qu'Anne s'effondre en pleurs sur son lit dans la scène suivante comme si elle avait fait face à son pire cauchemar !

Incertain au niveau psychologique, incomplet au niveau biographique, The Brontës of Haworth souffre encore d'être superficiel au niveau historique, c'est-à-dire en ce qui concerne l'univers social et culturel dans lequel s'est inscrite la vie des sœurs Brontë et avec elle leur œuvre qui se trouve à peine évoquée.

Un tel désintérêt sur ce dernier point, courant dans les biographies d'écrivains, à l'écran comme sur le papier, est somme toute paradoxal. Or, il ne pouvait qu'appauvrir un peu plus la représentation des sœurs Brontë.
  
Ainsi, désirer projeter sur elles une lumière naturelle était louable, mais en limiter la portée faisait courir le risque que leur vérité demeure en définitive dans l'ombre... 
 
Marc Miller : The Brontës of Haworth, Granada, 1973.
 
[I] Hebdomadaire de la région d'Haworth.
 

Perles

The Inn at Lambton, 9 septembre 2013 

En quatrième de couverture de sa septième édition parue en 1990 aux éditions Bordas, Littérature anglaise se vantait d’être « indispensable aux étudiants anglicistes, [comme de permettre] au grand public de découvrir la littérature anglaise (plus de 400 auteurs cités) tout en perfectionnant ses connaissances de la langue ».

Et de l'élevage des huîtres perlières eut-on pu ajouter en ce qui concerne les sœurs Brontë : 

1) « Nées à Bradford, installées dès 1820 dans un petit village au cœur des landes sauvages du Yorkshire… »

Les sœurs Brontë naquirent en fait à Thornton, non loin de Bradford certes comme la localité où elles déménagèrent avec leur famille en 1820, Haworth, qu'il eut été plus juste de présenter comme un bourg industriel situé à la lisière des landes... 

2) « ... L’année suivante, Branwell et Emily meurent de tuberculose ; Anne meurt en 1849. Restée seule avec son père, Charlotte décide de s’installer à Londres où elle fréquente des écrivains, dont Thackeray et Elizabeth Gaskell. »

Après la mort de son frère et de ses sœurs, Charlotte Brontë ne décida pas du tout de s'installer à Londres, mais demeura bel et bien coincée à Haworth. 
    
3) « … Shirley (1849) et Villette (1853) confirment le succès de Jane Eyre. Largement autobiographiques, ces deux œuvres se font encore l’écho des expériences de l’auteur : souvenirs scolaires, émeutes des ouvriers du Yorkshire, petits incidents qui rompent la monotonie de le la vie provinciale. »

Outre d'une redondance de mauvais aloi, ce passage souffre d'inclure parmi les « expériences » de Charlotte Brontë des « émeutes », tels qu'ils font le sujet de Shirley, advenus avant sa naissance. De plus, on peut trouver spécieux de faire de Charlotte Brontë un auteur autrement attaché aux « petits incidents qui rompent la monotonie de le la vie provinciale » – plus juste eut-été de la dire avoir été inspiré par « les petites et les grandes frustrations qu'elle éprouva tout au long de sa vie, même quand elle connut le succès, Villette en constituant le témoignage ultime particulièrement poignant, etc., etc. »
 
Paul Ginestier, John Hoyles & Andrée Shepherd : Littérature anglaise, Bordas, 1990, (7ème édition remise à jour par Amiel Van Teslaar).

Gone (in vrille) with the Wind

À la suite d’intéressantes réponses à ma présentation du Brontë Myth de Lucasta Miller.

The Inn at Lambton, 12 septembre 2013   

Je suis content de voir d’autres personnes partager mes sentiments de répugnance vis-à-vis de toutes les légendes qui se sont tissées autour des sœurs Brontë.

En qui concerne les adaptations de façon générale, j'en ai peu vu qui soient réussies même si je veux bien croire avec P... qu'elles incitent à la lecture des œuvres originales. Qui sait combien de nouveaux lecteurs a trouvé ainsi le Michael Kohlhaas de Kleist pour prendre un exemple récent ?

À propos, l'amateur des Hauts de Hurlevent pourrait être troublé devant la figure de ce marchand de chevaux qui, à la suite de la confiscation de ces bêtes à un poste d'octroi, entre dans une furie implacable contre les autorités. Pour ma part, il m'a davantage effrayé que Heathcliff, c'est dire !

Mais aujourd'hui j'entendais évoquer une production épouvantable dans un autre genre : La Vie passionnée des sœurs Brontë (Devotion en anglais).

Dans la ligne des adaptation des Hauts de Hurlevent en 1939, au succès phénoménal (220 millions de spectateurs) et de Jane Eyre en 1942, Devotion offrit en 1946 une représentation toute hollywoodienne des sœurs Brontë.

Autrement dit, sous l'effet dira-t-on de la tornade du Magicien d'Oz, on les retrouve projeter dans un univers évoquant moins l'Angleterre crasseuse de la révolution industrielle que l'Amérique ensoleillé des westerns, de leur attifement façon Scarlett O'Hara à leur lande de carton-pâte ressemblant à une garrigue californienne où ne manquent, en guise d'indiens autochtones, que des écossais vivant dans des tipis à motifs de tartan.

Dans un tel cadre, on ne s'étonnera pas alors de la fantaisie avec laquelle la vie des sœurs Brontë est retracée autour d'une intrigue sentimentale voyant Charlotte et Emily se disputer le cœur d'Arthur Bell Nicholls, vicaire de leur père pasteur. S'offrant à l'écran à la façon d'un cow-boy galant, et non comme l'homme quelque peu sévère qu'il fut dans la réalité, Arthur Bell Nicholls épousera certes conformément à cette dernière Charlotte, mais après avoir fait beaucoup de mal imaginaire à Emily.

En la matière, une scène qui m'a fait particulièrement rire prend place lorsque le séjour en pension des deux sœurs à Ottawa, enfin, à Bruxelles est évoqué. Si dans les faits Charlotte tomba amoureuse sans retour de leur professeur Constantin Heger, dans le film, ce dernier, représenté comme une caricature de séducteur gominé français, se révèle moins indifférent à la jeune femme. Ainsi le verra-t-on profiter d'un tour à la fête foraine pour entraîner celle-ci vers une attraction au nom suggestif, le « Tunnel des Mystères », où il l'embrassera goulûment par surprise avant de s'en lisser la moustache avec un sourire égrillard...

Au vrai, j'ai ri autant que j'ai été consterné devant cette scène insultant la mémoire de Charlotte Brontë et de Constantin Heger.

Mais suffit, voici la bande-annonce éloquente de cette biographie saugrenue :

 
 
Curtis Bernhardt : La Vie passionnée des sœurs Brontë
(Devotion), Warner Bros, 1946.

Biofiction de série B

The Inn at Lambton, 11 octobre 2013 

Quand j'étais Jane Eyre (Becoming Jane Eyre) est un roman de Sheila Kohler traduit en français en 2011, deux ans après sa parution originale en anglais.

En fait, au lieu de roman, il conviendrait mieux de parler de « biofiction », et en l'occurrence de biofiction d'autofiction puisque Quand j'étais Jane Eyre s'offre comme le récit romancé de la genèse du célèbre roman de Charlotte Brontë. Si ce dernier dénonce la servitude féminine, Sheila Kohler a désiré montrer, en se plaçant en quelque sorte dans sa peau, comment Charlotte Brontë l'endura elle-même.

La démarche de Sheila Kohler paraîtra peut-être insolite à beaucoup en France, mais elle n'est pas nouvelle dans la littérature anglo-saxonne marquée de façon générale par l’entremêlement du réel et de la fantaisie, du vécu et de l'imaginaire, de l'intériorité et de l'extériorité, etc.

Toutefois, Sheila Kohler s'est plu à raconter comment, lorsqu'elle s'est ouverte de son projet à son illustre confrère et compatriote sud-africain, J.M. Coetzee, ce dernier a réagi d'abord de la façon la plus spontanée et brutale.

Peut-être a-t-il surgi subitement dans l'esprit du lauréat du prix Nobel en 2003 l'image de toutes les malheureuses créatures que de telles expériences littéraires avaient déjà généré, toutes ces sœurs Brontë et ces Jane Austen de papier malformées et finissant rapidement leur existence lamentable dans les bacs à livres soldés.  

Ayant dit cela, il serait faux de croire que je rejette par principe ces formes d'investigations psychologiques même s'il faut reconnaître leur caractère particulièrement hasardeux.
  
Dans le genre, j'ai ainsi beaucoup aimé Le Monde infernal de Branwell Brontë de Daphné du Maurier, autrement dit j'ai trouvé convaincant le portrait hypothétique offert par cet ouvrage.

Pour le critique, il n'est certes pas facile d'évaluer la qualité d'une production ne relevant ni du domaine de la licence ni du vérifiable. Il faut tenir compte de la documentation et de la connaissance du cœur humain que l'auteur a témoigné sans qu'il soit possible, même dans le meilleur des cas, de le louer pour avoir été juste, mais seulement (même si c'est déjà beaucoup) pour avoir été judicieux, pertinent, sensible, etc.

Daphné du Maurier l'a été indubitablement avec Le Monde infernal de Branwell Brontë, certes pas Sheila Kohler avec Quand j'étais Jane Eyre qui manque terriblement d'authenticité à tous les niveaux : historique, biographique et psychologique.
  
Mais il serait fastidieux de le mettre en évidence alors que je désirais seulement plaisanter des passages cocasses offerts par cette œuvre un peu à la façon des films de série B. Peut-être faut-il en rendre en partie responsable la traduction, mais il n'en reste pas moins que Quand j'étais Jane Eyre est des plus dispensables pour qui s'intéresse à la personne et à la vie des sœurs Brontë :  

 1) Sur quand Charlotte Brontë était gouvernante : 

« Les deux petits, très mal élevés, ne savaient rien de l’obéissance. N’ayant pas recours à la punition, elle n’avait pour arme que la persévérance et la fermeté. Elle en était réduite à plaquer le petit garçon jusqu’à ce que sa fureur se calme, pour éviter les coups de main et de pied. » (Page 106)

Certains auront l’impression d’avoir déjà lu cela presque mot à mot dans Agnès Grey (d'Anne). 

2) Sur Emily Brontë allant chercher son frère alcoolique Branwell au pub du village : 

« Emily enfile ses gants, ouvre son parapluie et s’aventure dans les rues mouillées avec son chien. » (Page 145)

Entre le presbytère où vivait la famille Brontë et le pub en question, le célèbre Black Bull, il y avait seulement à descendre une ruelle de deux cent mètres de long selon le site viamichelin

3) Sur La Locataire de Wildfell Hall d’Anne Brontë présentée comme :

« L’histoire d’une femme qui finit par quitter son mari vieillissant pour aller vivre avec son enfant dans la propriété d’un homme mystérieux, au passé obscur comme le Mr. Rochester de Charlotte. » (Page 195)

Heureusement par la suite on apprend que La Locataire de Wildfell Hall est bien « l’histoire [d’un] mari alcoolique et de sa malheureuse épouse ». (Page 199) 

4) Sur ces rustres natives du Yorkshire :

« Je suis tellement heureuse que tu m’aies accompagnée », déclare Charlotte à Anne, qui essuie sa bouche graisseuse avec sa serviette et lance : « Pauvre chère Emily. Je regrette qu’elle ne soit pas là. » Charlotte saisit la main de sa benjamine. Elle se souvient de l’infirmière, pieds nus, dévorant son gros os d’agneau et elle sourit : Humber. » (Page 221) 

5) Sur la mort d’Emily Brontë :

« Elle revoit aussi sa chère Emily, chancelant dans l'escalier, une ombre pitoyable vers la fin, tenant à accomplir sa part des tâches domestiques et à nourrir Keeper, qui suivit son cercueil, s'assit sur le banc avec le reste de la famille lors de ses funérailles et qui, depuis, se couche devant sa porte, attend et gémit chaque nuit. » (Pages 244-245)

Si vous n’avez pas tiqué à votre première lecture, relisez en vous figurant que Keeper était de surcroit un très gros chien… 
 
Sheila Kohler : Quand j'étais Jane Eyre, La Table Ronde, 2011 
(Édition originale : Becoming Jane Eyre, 2009).

Les soeurs Brontë à Haworthwood

The Inn at Lambton, 20 mars 2014

Photos de Devotion (La Vie passionnée des sœurs Brontë) tirées d’une vieille revue de cinéma :

Charlotte et Anne croyant faire un rêve. Emily réfléchit aux
termes d’une petite-annonce pour trouver du travail :
— Institutrice ou gouvernante, qu’est-ce qui est le moins pire ? 

Charlotte et Anne interloquées (à nouveau) :
— Tu es bien sûre de toi finalement? 
— Je serai poétesse ou rien ! 

— Mes filles, la mairie de Haworth a décidé d’organiser un grand bal.
- Oh ! 

Les sœurs Brontë se préparant au grand bal.
Emily écoute attentivement Anne sur les bonnes manières à adopter :
— Si un homme t’invite à danser, ne lui envoie pas ton verre de champagne sur la tête pour lui signifier ton refus, sommes-nous bien d’accord cette fois ? 

Arthur Nicholls (sur qui Charlotte a des vues) imposant sa compagnie :
— En tant que vicaire de votre père, il est de mon devoir de me faire votre chaperon.  

Esclandre entre Elizabeth Gaskell et Jane Austen.

Après le succès de Jane Eyre, Charlotte prend la grosse tête :
— Moi, je n’ai pas eu besoin de m’y mettre à deux pour faire trois volumes ! 

Charlotte n’en croyait pas ses yeux. Il n’y avait pas que des poèmes qu’Emily 
cachait dans sa commode…

— Arthur, vous préférez Emily, dites-moi la vérité !
- Soit. Je suis désolé.

Voyage de noces d’Emily et d’Arthur dans les Alpes :
— C’est wutheringuement haut ! 

Charlotte oublia finalement Arthur à Paris où elle comptait de nombreux admirateurs comme Eugène Forcade (au premier plan) et Émile Montégut (au second) : 
lequel emportera son cœur ?

Une relation spéciale

The Inn at Lambton, 18 mai 2015 

Si les sœurs Brontë conservent un lectorat important, Jane Eyre et Les Hauts de Hurlevent figurant même dans les rayonnages de certains hypermarchés, il me semble toutefois que leur popularité est moindre que dans le passé.  

D'après mes recherches, il faudrait fixer entre les années 20 et les années 80 une longue période où les sœurs Brontë suscitèrent une véritable passion nationale qui vit s'accumuler à leur sujet de nombreuses productions en tout genre.  

Malheureusement, pas plus que nos voisins de l'autre côté de la Manche, les hérauts que nous sommes de la littérature et des arts avons résisté à développer une vision mythique des sœurs Brontë comme en témoigne l'article que je m'offre de faire découvrir aujourd’hui et qui a paru dans Top, une revue destinée aux adolescents, au milieu des années 60. 

Peut-être trouvera-t-on amusant et révélateur de savoir que cet article se trouvait dissimulé à ma connaissance dans les quelques dizaines d'exemplaires de la revue que je possède depuis que je les ai acquis au marché aux puces de Marseille il y a plusieurs années sans que je fasse autre chose ensuite qu'en feuilleter quelques pages – à la différence de mes dizaines de France Football des années 70 et 80 ramené péniblement à pied du même marché. Ah ! Qui se souvient de l'épisode des Saintes Chéries où Daniel Gélin rapporte chez lui, au dam de son épouse, une ancienne armure trouvée à Saint-Ouen ? 

Mais il y a quelques temps, je me suis rappelé à l'existence de ces revues dans l'idée qu'elles contiendraient peut-être quelque chose sur les sœurs Brontë, ce qui ne m'aurait pas autrement surpris en considérant la popularité qui était la leur alors.

Et certes, je n'ai pas été surpris, non seulement de dénicher parmi tous mes numéros de Top un article commémorant les cent cinquante ans de la disparition de Charlotte Brontë, mais aussi d'avoir de quoi en être mécontent !


Il ne s'agit pas de Rintintin et de son maître, mais de Jean-Claude Arnoux, un chanteur à la mode. Peut-être les membres les plus vénérables du forum se souviendront (dans un flash) d'avoir eu son poster affiché dans leur chambre.

Le temps des pesetas, des lires et de la règle à calculs pour être sûr de ne pas être escroqué...


Sortez les mouchoirs – même si cette brève biographie est bourrée d'approximations et d'erreurs :

1) Maria Brontë n'est pas morte « poitrinaire », mais de cancer, de plus en 1821, et non en 1820..

2) Les sœurs Brontë n'avaient pas toutes « les yeux noirs », on sait que ceux d'Anne était bleu-violet.

3) Branwell ne présentait pas une « folle beauté », il était petit et peu avenant.

4) S'il est vrai que la fratrie Brontë « adorait se promener dans la solitude de lande », par contre ce n'était pas « entre des arbres aux formes étranges », la lande se caractérisant par la rareté de ces derniers, voire leur complète absence.

5) Dire que Charlotte « aimait son métier » d'institutrice est dire tout le contraire de ce qu'elle a confessé elle-même.

6)Faux encore le fait d'indiquer qu'Emily tomba malade au cours de sa courte carrière d'enseignante. Je présume que l'auteur de l'article a eu en tête la maladie qui frappa Emily en pension au milieu de son adolescence.

7) Je suis ravi par contre que l'adjectif « charmant » soit employé pour Agnès Grey, mais on remarquera qu'il n'est fait mention nulle part de La Locataire de Wildfell Hall.

8) Les sœurs Brontë n'auraient pas pu écrire dans leurs mémoires qu'elle connurent « aussitôt le grand succès » après la parution de leurs premiers romans, seul Jane Eyre en eut.

9) La misère ne régnait pas à Haworth, les sœurs Brontë appartenaient à la classe moyenne.

10) De nouveau à la rubrique nécrologique : Branwell n'est pas mort à 29 ans, mais à 31, et Charlotte à 38, non à 37.

11) Remarquons enfin que la légende sous le tableau des sœurs Brontë est trompeuse s'il fallait suivre l'ordre des noms donné.

Etc.