Et son ombre recueille une sélection de textes sur les sœurs Brontë ainsi que sur quelques autres auteurs britanniques. Pratiquement tous proviennent du forum The Inn at Lambton. On peut considérer Et son ombre comme complémentaire au Wanderer of the Moors (site dédié entièrement aux sœurs Brontë) et à Passerelle (sur la littérature britannique en général). Par ailleurs, je tiens à m'excuser de la qualité pas toujours bonne des photographies que je propose de mes voyages en Angleterre, notamment dans le Yorkshire d’où étaient originaires les sœurs Brontë.

The Brontë Myth

Whoopsy-Daisy, 12 juin 2013
 
Comme en témoigne hélas ce fil lui-même [Wuthering Heights], je voudrais intervenir sur l’image douteuse que beaucoup se sont formés d’Emily Brontë depuis sa disparition. Déjà en 1904, un auteur aussi réputé qu'Henry James déplorait la « confusion » (« muddle ») entourant les sœurs Brontë de façon générale. En 2000, Lucasta Miller a consacré toute une étude, où Henry James est cité, sur le phénomène sous un titre sans ambiguïté : The Brontë Myth

Il serait fastidieux de présenter cet ouvrage des plus éclairants qu'il reste à traduire dans notre langue, mais je voudrais du moins souligner le fait que, en Angleterre comme du reste en France, les sœurs Brontë ont été souvent victimes : 

1) d’erreurs biographiques tel le fait de prétendre que le père des sœurs Brontë les privait de viande dans leur enfance.  

2) d’approches limitées de leurs œuvres en les considérant comme des autobiographies plus ou moins arrangées. 

3) de préjugés tenaces tels ceux attachés à Anne Brontë non sans lui témoigner parfois un véritable mépris : « insipide », « endormie », « animal de compagnie », « pipeau », etc. 

4) de théories plus ou moins fumeuses telle celle attribuant Les Hauts de Hurlevent à Branwell Brontë, le frère des sœurs Brontë. 

5) d'élucubrations fantasmatiques sur les désirs incestueux nourris au sein de la fratrie ou sur les penchants saphiques d'Emily, etc. 

Morte à 30 ans vierge et sans avoir guère mis les pieds hors de son village perdu dans la lande désolée, mais auteur d'un chef d’œuvre sur les passions les plus sombres du cœur humain : combien ne se sont pas plu, en particulier en France, à rêvasser au sujet d'Emily Brontë comme d'une farouche Manon des bruyères, une fascinante Antinéa des brumes du Nord, ou une impérieuse vestale du Temple du Mal (littéraire) ?

Or, je crains que, si certains eussent entrepris le périple pour Haworth du vivant d'Emily Brontë, leurs fantasmes se seraient effilochés les uns après les autres un peu comme le bucolisme de Lockwood dans Les Hauts de Hurlevent :  

— Quel voyage en train ! Quel défilé sinistre de briques noircies... Quoi ! Des usines au pied même du village ! Qu'est-ce que cela veut dire, je croyais qu'Emily Brontë vivait dans une région arriérée et sauvage ? Demandons à cette matronne locale : « Excuse me, can you have the amability to tell me where lies the parsonage of the Brontë sisters ? Can you repeat ? En haut de la rue, c'est ça ? Yes, yes, up, up the street ! I have understood ! Thank you ! » Ah ! La pente est raide... Enfin, nous y sommes. Voici une jeune femme en robe à petites fleurs qui s'adonne paisiblement au jardinage à l'extérieur d'une bâtisse cossue. Hum... Le gros chien couché près d'elle m'inspire quelque crainte. Courage ! « Good morning mademoiselle, can you have the ama... Mais ! Ne fuyez pas à toutes jambes ! Don't... C'est quoi déjà ? Bah ! », etc. Etc. 

Que l'on me pardonne de plaisanter ainsi de toutes les fariboles qui ont eu cours sur les sœurs Brontë depuis cent-cinquante ans et qui ont appauvri la portée de leur œuvre en réduisant Charlotte à une pourvoyeuse de romans à l'eau de rose, Emily à un génie sauvage dénué de culture et de réflexivité, et Anne à une prêcheuse bornée.  

Certes, le sérieux n'a (presque) jamais manqué, mais qui s'intéresse aux sœurs Brontë peut aisément tomber sur des productions trompeuses, il faut faire attention...

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